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La réalité en face

La réalité en face

Un des maux de notre époque, c'est le refus et l’interdiction de regarder la réalité en face et surtout de la décrire! c'est le Politiquement Correct qui l'empêche! Il conditionne la description et donc la perception du réel! Quand elle est "Non Idéologiquement Conforme", la réalité est occultée, tronquée, manipulée par les media.


JMJ Rio 2013 : 3 millions de jeunes à la Messe à Copacabana!"Allez, sans peur, pour servir"!« Allez, et de toutes les nations faites des disciples ». !

Publié par Michael Jeaubelaux sur 29 Juillet 2013, 07:38am

(voir le dossier complet sur le voyage du Pape)

« Allez, et de toutes les nations faites des disciples ».

Par ces mots, Jésus s’adresse à chacun de vous en disant : »cela a été beau de participer aux Journées mondiales de la Jeunesse, de vivre la foi avec des jeunes provenant des quatre coins du monde, mais maintenant tu dois aller et transmettre cette expérience aux autres ». Jésus t’appelle à être disciple en mission ! Aujourd’hui, à la lumière de la Parole de Dieu que nous avons entendue, que nous dit le Seigneur ? Trois paroles :

Allez, sans peur, pour servir."

"Porter l’Évangile c’est porter la force de Dieu pour arracher et démolir le mal et la violence ; pour détruire et abattre les barrières de l’égoïsme, de l’intolérance et de la haine ; pour édifier un monde nouveau."

(Extrait de l'homelie du Saint Père, voir homelie complète ci-dessous)

Un Monde Nouveau aux antipodes de celui de ceux qui veulent bâtir une nouvelle civilisation, fondée sur la perversion de la liberté, de l'égalité et de la Fraternité!

Ceux pour qui le mot d'ordre n'est pas "aime ton prochain comme toi-même", mais "soumets ton prochain à tous tes désirs"! Ceux pour qui l'humain peut être trié, éliminé, trafiqué, loué, vendu en pièces détachées, qui considèrent et traitent leur prochain comme des animaux ou des marchandises ou comme source de matières premières pour l'industrie et le commerce! N'oublions pas que le Pape est un opposant farouche à la Mondialisation Ultralibérale, pour laquelle, tout s'achète et tout se vend (ou se loue!) : les marchandises, les corps, les hommes, les femmes les enfants, à partir du moment où il existe un marché solvable! Le Monde de Bergé, Taubira, Belkacem, celui de tous ceux qui sont pour la sous-traitance des grossesses et ne trouvent rien à dire à l'esclavage des mères porteuses!

Les media français "branchés" en France, la dise moribonde, « réac », ringarde, "has been"! A Rio, l'Eglise Catholique a réuni 3 millions de jeunes sur la plage de Copacabana ! Ils sont venus communier au Corps et au Sang du Christ avec le Pape François! Ils sont venu dire "Alleluia! Gloria in excelsis Deo!", écouter la Parole de Dieu et s'unir avec Lui!

Non ce n'était pas un Festival de Rock, mais bien une Messe! C'est à dire la célébration de la mort et la Résurrection du Fils du Dieu Vivant!

3 millions de jeunes réunis, sans Lady Gaga ou Elton John, sans musique techno, sans canon à mousse, sans exhibitionnisme, sans drogue, sans alcool, sans provocation, sans grimace, sans geste de révolte, sans violence, sans slogan hostile envers les autres, sans caillassage de la Police, sans incendies de voitures, sans vitrine cassée, sans détroussage des Services de Secours ou des personnes fragiles participant à l'évènement, tous le visage découvert, souriant, chantant et priant!

3 millions de jeunes réunis dans la Paix, la Liberté, l'Egalité et la Fraternité autour de la figure de l'Amour de l'Humanité: Jésus-Christ, le non violent par excellence, celui qui a accepté de mourir par amour pour délivrer l'Humanité de la mort, de la haine et de la vengeance!

Une lueur d'espoir pour ce Monde qui en tant besoin! L'Espérance d'une Jeunesse qui n’a pas été englouti par le Nihilisme et la Toute-Puissance de l'Hyper-individualisme! Une Jeunesse vivante et qui aime La Vie!

Bravo à tous ceux qui ont rendu ce miracle possible!

Bravo à l'Eglise Catholique et au Pape François!

Bravo à Benoit XVI pour son humilité et sa soumission totale à la Volonté Divine et à l'Esprit-Saint!

Rendez-vous aujourd'hui pour annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ à l'Humanité souffrante!

Les prochaines JMJ auront lieu à Cracovie, ville chère au Bienheureux Jean-Paul II, en 2016!

« Vénérés frères dans l’Épiscopat et le Sacerdoce. Chers jeunes !

« Allez, et de toutes les nations faites des disciples ».

Par ces mots, Jésus s’adresse à chacun de vous en disant : »cela a été beau de participer aux Journées mondiales de la Jeunesse, de vivre la foi avec des jeunes provenant des quatre coins du monde, mais maintenant tu dois aller et transmettre cette expérience aux autres ». Jésus t’appelle à être disciple en mission ! Aujourd’hui, à la lumière de la Parole de Dieu que nous avons entendue, que nous dit le Seigneur ? Trois paroles :

Allez, sans peur, pour servir.

1. Allez.

Ces jours-ci, à Rio, vous avez pu faire la belle expérience de rencontrer Jésus, et de le rencontrer ensemble ; vous avez senti la joie de la foi. Mais l’expérience de cette rencontre ne peut rester renfermée dans votre vie ou dans le petit groupe de votre paroisse, de votre mouvement, de votre communauté. Ce serait comme priver d’oxygène une flamme qui brûle. La foi est une flamme qui est d’autant plus vivante qu’elle se partage, se transmet, afin que tous puissent connaître, aimer et professer Jésus Christ qui est le Seigneur de la vie et de l’histoire (Cf. Rm 10, 9).

Cependant attention ! Jésus n’a pas dit : si vous voulez, si vous avez le temps, mais : « Allez, et de toutes les nations faites des disciples ». Partager l’expérience de la foi, témoigner la foi, annoncer l’Évangile est le mandat que le Seigneur confie à toute l’Église, et aussi à toi. Mais c’est un commandement, qui ne vient pas d’un désir de domination ou de pouvoir, mais de la force de l’amour, du fait que Jésus en premier est venu parmi nous et nous a donné, non pas quelque chose de lui, mais lui-même tout entier ; il a donné sa vie pour nous sauver et nous montrer l’amour et la miséricorde de Dieu.

Jésus ne nous traite pas en esclaves, mais en hommes libres, en amis, en frères ;

et non seulement il nous envoie, mais il nous accompagne, il est toujours à nos côtés dans cette mission d’amour.

Jésus nous envoie à tous

Où nous envoie Jésus ? Il n’y a pas de frontières, il n’y a pas de limites : il nous envoie à tous. L’Évangile est pour tous et non pour quelques uns. Il n’est pas seulement pour ceux qui semblent plus proches, plus réceptifs, plus accueillants. Il est pour tous. N’ayez pas peur d’aller, et de porter le Christ en tout milieu, jusqu’aux périphéries existentielles, également à celui qui semble plus loin, plus indifférent. Le Seigneur est à la recherche de tous, il veut que tous sentent la chaleur de sa miséricorde et de son amour.

Plus particulièrement, je voudrais que ce mandat du Christ : « Allez » résonne en vous, jeunes de l’Église d’Amérique Latine, engagés dans la mission continentale promue par les Évêques. Le Brésil, l’Amérique Latine, le monde a besoin du Christ ! Saint Paul dit : « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile ! » (1 Co 9, 16). Ce continent a reçu l’annonce de l’Évangile, qui a fait son chemin et a porté beaucoup de fruits. Maintenant cette annonce est confiée aussi à vous, pour qu’elle résonne avec une force renouvelée. L’Église a besoin de vous, de l’enthousiasme, de la créativité et de la joie qui vous caractérisent. Un grand apôtre du Brésil, le bienheureux José de Anchieta, est parti en mission quand il avait seulement dix-neuf ans.

Savez-vous quel est le meilleur instrument pour évangéliser les jeunes ?

Un autre jeune. Voilà la route qu’il faut parcourir.

2. Sans peur.

Quelqu’un pourrait penser : »je n’ai aucune préparation spéciale, comment puis-je aller et annoncer l’Évangile ? » Cher ami, ta peur n’est pas très différente de celle de Jérémie, un jeune comme vous l’êtes, quand il a été appelé par Dieu pour être prophète. Nous venons d’entendre ses paroles : »Oh ! Seigneur mon Dieu ! Vois donc : je ne sais pas parler, je ne suis qu’un enfant ». Dieu dit, à vous aussi, ce qu’il a dit à Jérémie : « ne crains pas (…) car je suis avec toi pour te délivrer » (Jr 1, 7.8). Il est avec nous !

« N’aie pas peur ! » Quand nous allons annoncer le Christ, c’est Lui-même qui nous précède et nous guide.

En envoyant ses disciples en mission, il a promis : « Je suis avec vous tous les jours » (Mt 28, 20). Et cela est vrai aussi pour nous ! Jésus ne nous laisse pas seuls, il ne vous laisse jamais seuls ! Il vous accompagne toujours.

De plus, Jésus n’a pas dit : »Va », mais « allez » : nous sommes envoyés ensemble. Chers jeunes, percevez la présence de l’Église tout entière et de la communion des Saints dans cette mission. Quand nous affrontons ensemble les défis, alors nous sommes forts, nous découvrons des ressources que nous ne pensions pas avoir. Jésus n’a pas appelé les Apôtres à vivre isolés, il les a appelés pour former un groupe, une communauté.

Je voudrais m’adresser aussi à vous, chers prêtres, qui concélébrez avec moi cette Eucharistie : vous êtes venus pour accompagner vos jeunes, et cela est beau de partager cette expérience de foi ! Mais c’est une étape du chemin. Continuez à les accompagner avec générosité et avec joie, aidez-les à s’engager activement dans l’Église ; qu’ils ne se sentent jamais seuls.

3. La dernière parole : pour servir.

Au début du Psaume que nous avons proclamé il y a ces mots : « Chantez au Seigneur un chant nouveau » (95, 1).

Quel est ce chant nouveau ? Ce ne sont pas des paroles, ce n’est pas une mélodie ; c’est le chant de votre vie, c’est le fait de laisser votre vie s’identifier à celle de Jésus, c’est avoir ses sentiments, ses pensées, ses actions. Et la vie de Jésus est une vie pour les autres. C’est une vie de service.

Saint Paul, dans la lecture que nous venons d’entendre disait : « Je me suis fait le serviteur de tous afin d’en gagner le plus grand nombre possible » (1 Co 9, 19).

Pour annoncer Jésus, Paul s’est fait »serviteur de tous ».

Évangéliser, c’est témoigner en premier l’amour de Dieu, c’est dépasser nos égoïsmes, c’est servir en nous inclinant pour laver les pieds de nos frères comme a fait Jésus.

N’ayez pas peur d’être généreux avec le Christ

Allez, sans peur, pour servir.

En suivant ces trois paroles vous expérimenterez que celui qui évangélise est évangélisé, celui qui transmet la joie de la foi, reçoit la joie.

Chers jeunes, en retournant chez vous n’ayez pas peur d’être généreux avec le Christ, de témoigner de son Évangile. Dans la première lecture quand Dieu envoie le prophète Jérémie, il lui donne pouvoir « pour arracher et abattre, pour démolir et détruire, pour bâtir et planter » (Jr 1, 10). Il en est de même pour vous.

Porter l’Évangile c’est porter la force de Dieu pour arracher et démolir le mal et la violence ; pour détruire et abattre les barrières de l’égoïsme, de l’intolérance et de la haine ; pour édifier un monde nouveau.

Jésus Christ compte sur vous ! L’Église compte sur vous ! Le Pape compte sur vous ! Marie, la Mère de Jésus et notre Mère vous accompagne toujours de sa tendresse : »allez et de toutes les nations faites des disciples ». Amen. »

Extrait des meilleures images de la messe de clôture des 28èmes Journées Mondiales de la Jeunesse à Rio. 3 millions de jeunes et de fidèles ont assisté à la célébration sur la plage de Copacabana et ses environ. Le Pape François a lancé dans son homélie un appel très clair aux jeunes à partir en mission : Allez, et de toutes les nations faites des disciples "...et baptisez les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit!..... " Allez sans peur, pour servir ",

Chers frères,

Comme il est bon et beau de me trouver ici avec vous, Évêques du Brésil !

Merci d’être venus, et permettez-moi de vous parler comme à des amis, c’est pourquoi je préfère vous parler en espagnol pour pouvoir mieux exprimer ce j’ai dans mon coeur. Je vous prie de m’en excuser !

Nous sommes réunis un peu à l’écart, dans ce lieu préparé par notre frère Mgr Orani, pour demeurer seuls et pouvoir parler coeur à coeur, comme Pasteurs auxquels Dieu a confié son Troupeau. Dans les rues de Rio, des jeunes du monde entier et tant d’autres multitudes nous attendent, ayant besoin d’être rejoints par le regard miséricordieux du Christ Bon Pasteur, que nous sommes appelés à rendre présent. Réjouissons-nous donc de ce moment de repos, de partage, de vraie fraternité.

En commençant par la Présidence de la Conférence épiscopale et par l’Archevêque de Rio de Janeiro, je veux vous embrasser tous et chacun, spécialement les évêques émérites.
Plus qu’un discours formel, je veux partager avec vous quelques réflexions.
La première m’est venue à l’esprit quand j’ai visité le sanctuaire d’Aparecida. Là, aux pieds de la statue de l’Immaculée Conception, j’ai prié pour vous, pour vos Églises, pour vos prêtres, religieux et religieuses, pour vos séminaristes, pour les laïcs et leurs familles et, de manière particulière pour les jeunes et les anciens, les deux sont l’espérance d’un peuple ; les jeunes, parce qu’ils portent la force, l’illusion, l’espérance de l’avenir ; les anciens, parce qu’ils sont la mémoire, la sagesse d’un peuple.

1. Aparecida : clé de lecture pour la mission de l’Église
À Aparecida, Dieu a offert au Brésil sa propre Mère. Mais, à Aparecida, Dieu a aussi donné une leçon sur lui-même, à propos de sa façon d’être et d’agir. Une leçon sur l’humilité qui appartient à Dieu comme trait essentiel, c’est dans l’ADN de Dieu. Il y a quelque chose de pérenne à apprendre sur Dieu et sur l’Église à Aparecida ; un enseignement que ni l’Église au Brésil, ni le Brésil lui-même ne doivent oublier.
Au commencement de l’événement d’Aparecida il y a la recherche des pauvres pêcheurs. Beaucoup de faim et peu de ressources. Les gens ont toujours besoin de pain. Les hommes partent toujours de leurs besoins, même aujourd’hui.
Ils ont une barque fragile, inappropriée ; ils ont des filets de mauvaise qualité, peut-être même endommagés, insuffisants. D’abord il y a la fatigue, peut-être la lassitude, pour la pêche, et toutefois le résultat est maigre : un échec, un insuccès. Malgré les efforts, les filets sont vides.
Ensuite, quand Dieu le veut, lui-même surgit dans son Mystère. Les eaux sont profondes et toutefois elles cachent toujours la possibilité de Dieu ; et lui est arrivé par surprise, peut-être quand il n’était plus attendu. La patience de ceux qui l’attendent est toujours mise à l’épreuve. Et Dieu est arrivé de façon nouvelle, parce qu’il peut toujours se réinventer : une image d’argile fragile, obscurcie par les eaux du fleuve, même vieillie par le temps. Dieu entre toujours dans les vêtements de la pauvreté.
Voici alors l’image de l’Immaculée Conception. D’abord le corps, puis la tête, puis le regroupement du corps et de la tête : unité. Ce qui était brisé retrouve l’unité. Le Brésil colonial était divisé par le mur honteux de l’esclavage. La Vierge d’Aparecida se présente avec le visage noir, d’abord divisée, puis unie dans les mains des pêcheurs.
C’est un enseignement pérenne que Dieu veut offrir. Sa beauté se reflète dans la Mère, conçue sans le péché originel, émerge de l’obscurité du fleuve. À Aparecida, depuis le commencement, Dieu donne un message de recomposition de ce qui est fracturé, de consolidation de ce qui est divisé. Murs, abîmes, distances encore présents aujourd’hui, sont destinés à disparaître. L’Église ne peut négliger cette leçon : être un instrument de réconciliation.
Les pêcheurs ne méprisent pas le mystère rencontré dans le fleuve, même si c’est un mystère qui apparaît incomplet. Ils ne jettent pas les morceaux du mystère. Ils attendent la plénitude. Et cela ne tarde pas à arriver. Il y a quelque chose de sage que nous devons apprendre. Il y a des morceaux d’un mystère, comme des pièces d’une mosaïque, que nous rencontrons et que nous voyons. Nous voulons voir trop rapidement le tout et Dieu au contraire se fait voir petit à petit. L’Église aussi doit apprendre cette attente.
Puis les pêcheurs portent ce mystère chez eux. Les gens simples ont toujours un endroit pour faire loger le mystère. Nous avons peut-être réduit notre façon de parler du mystère à une explication rationnelle ; chez les gens, au contraire, le mystère entre par le coeur. Dans la maison des pauvres Dieu trouve toujours une place.
Les pêcheurs ‘agasalham’ : ils revêtent le mystère de la Vierge pêchée, comme si elle avait froid et avait besoin d’être réchauffée. Dieu demande d’être mis à l’abri dans la partie la plus chaude de nous-mêmes : le coeur. Puis c’est Dieu qui dégage la chaleur dont nous avons besoin, mais d’abord il entre par la ruse de celui qui mendie. Les pêcheurs couvrent ce mystère de la Vierge du pauvre manteau de leur foi. Ils appellent les voisins pour voir la beauté qu’ils ont trouvée ; ils se réunissent autour d’elle ; ils racontent leurs peines en sa présence et lui confient leurs causes. Ils permettent ainsi que les intentions de Dieu puissent se réaliser : une grâce, puis l’autre ; une grâce qui ouvre à une autre ; une grâce qui prépare une autre. Dieu va graduellement en déployant l’humilité mystérieuse de sa force.
Il y a beaucoup à apprendre de cette attitude des pêcheurs. Une Église qui fait de la place au mystère de Dieu ; une Église qui héberge en elle-même ce mystère, de façon qu’elle puisse fasciner les gens, les attirer. Seule la beauté de Dieu peut attirer. Le chemin de Dieu est le charme, l’attrait. Dieu se fait emmener chez soi. Il réveille dans l’homme le désir de le garder dans sa vie, dans sa maison, dans son coeur. Il réveille en nous le désir d’appeler les proches pour faire connaître sa beauté. La mission naît justement de cet attrait divin, de cet étonnement de la rencontre. Nous parlons de mission, d’Église missionnaire. Je pense aux pêcheurs qui appellent leurs proches pour voir le mystère de la Vierge. Sans la simplicité de leur attitude, notre mission est destinée à l’échec.
L’Église a toujours l’urgent besoin de ne pas oublier la leçon d’Aparecida, elle ne peut pas l’oublier. Les filets de l’Église sont fragiles, peut-être raccommodés ; la barque de l’Église n’a pas la puissance des grands transatlantiques qui franchissent les océans. Et toutefois Dieu veut justement se manifester à travers nos moyens, de pauvres moyens, parce que c’est toujours lui qui agit.
Chers frères, le résultat du travail pastoral ne s’appuie pas sur la richesse des ressources, mais sur la créativité de l’amour. La ténacité, l’effort, le travail, la programmation, l’organisation servent certainement, mais avant tout il faut savoir que la force de l’Église n’habite pas en elle-même, mais elle se cache dans les eaux profondes de Dieu, dans lesquelles elle est appelée à jeter ses filets.
Une autre leçon que l’Église doit toujours se rappeler est qu’elle ne peut pas s’éloigner de la simplicité, autrement elle oublie le langage du Mystère, et non seulement elle reste hors de la porte du Mystère, mais elle ne réussit pas même à entrer en ceux qui par l’Église prétendent ce qu’ils ne peuvent se donner par eux-mêmes, c’est-à-dire Dieu lui-même. Parfois, nous perdons ceux qui ne nous comprennent pas parce que nous avons oublié la simplicité, important de l’extérieur aussi une rationalité étrangère à nos gens. Sans la grammaire de la simplicité, l’Église se prive des conditions qui rendent possible le fait de « pêcher » Dieu dans les eaux profondes de son Mystère.
Un dernier souvenir : Aparecida est une apparition dans un lieu de carrefour. La route qui unissait Rio, la capitale, avec São Paulo, la province entreprenante qui était en train de naître, et Minas Gerais, les mines très convoitées par les Cours européennes : un carrefour du Brésil colonial. Dieu apparaît dans les carrefours. L’Église au Brésil ne peut oublier cette vocation inscrite en elle depuis son premier souffle : être capable de systole et diastole, de recueillir et de répandre.

2. L’appréciation pour le parcours de l’Église au Brésil
Les Évêques de Rome ont toujours eu le Brésil et son Église dans leur coeur. Un merveilleux parcours a été accompli. Des 12 diocèses durant le Concile Vatican I aux 275 circonscriptions actuelles. Ne s’est pas mise en route l’expansion d’un appareil ou d’une entreprise, mais plutôt le dynamisme des « cinq pains et deux poissons » évangéliques, qui, mis en contact avec la bonté du Père, dans des mains rugueuses (calejadas maõs), sont devenus féconds.
Aujourd’hui, je voudrais reconnaître votre travail généreux à vous Pasteurs, dans vos Églises. Je pense aux évêques dans les forêts, montant et descendant les fleuves, dans les régions semi-arides, dans le Pantanal, dans la pampa, dans les jungles urbaines des mégapoles. Aimez toujours votre troupeau avec un dévouement total ! Mais je pense aussi à tant de noms et à tant de visages, qui ont laissé des empreintes ineffaçables sur le chemin de l’Église au Brésil, faisant toucher de la main la grande bonté du Seigneur envers cette Église.
Les Évêques de Rome n’ont jamais été loin ; ils ont suivi, encouragé, accompagné. Dans les dernières décennies, le bienheureux Jean XXIII a invité avec insistance les évêques brésiliens à préparer leur premier plan pastoral, et, depuis ce commencement, a grandi une vraie tradition pastorale au Brésil, qui a fait en sorte que l’Église ne soit pas un transatlantique à la dérive, mais ait toujours une boussole. Le Serviteur de Dieu Paul VI, en plus d’encourager la réception du Concile Vatican II, avec fidélité, mais aussi avec des traits originaux (cf. l’Assemblée générale du CELAM à Medellin), a influé de façon décisive sur l’auto-conscience de l’Église au Brésil à travers le Synode sur l’évangélisation et ce texte fondamental de référence que demeure l’Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi. Le bienheureux Jean-Paul II a visité le Brésil trois fois, le parcourant de « cabo a rabo », du nord au sud, insistant sur la mission pastorale de l’Église, sur la communion et la participation, sur la préparation au grand Jubilé, sur la nouvelle évangélisation. Benoît XVI a choisi Aparecida pour réaliser la 5ème Assemblée générale du CELAM et cela a laissé une grande empreinte dans l’Église du continent tout entier.
L’Église au Brésil a reçu et appliqué avec originalité le Concile Vatican II et le parcours réalisé, tout en ayant dû dépasser certaines maladies infantiles, a conduit à une Église graduellement plus mûre, ouverte, généreuse, missionnaire.
Aujourd’hui nous sommes à une période nouvelle. Comme c’est bien exprimé dans le Document d’Aparecida : ce n’est pas une époque de changement, mais c’est un changement d’époque. Alors, aujourd’hui il est toujours urgent de nous demander : qu’est-ce que Dieu nous demande ? À cette question, je voudrais tenter d’offrir quelques lignes de réponse.

3. L’icône d’Emmaüs comme clé de lecture du présent et de l’avenir
Avant tout, il ne faut pas céder à la peur dont parlait le bienheureux John Henry Newman : « Le monde chrétien est en train de devenir graduellement stérile, et s’épuise comme une terre exploitée à fond qui devient du sable ». Il ne faut pas céder au désenchantement, au découragement, aux lamentations. Nous avons beaucoup travaillé et, parfois, il nous semble être des vaincus, comme celui qui doit faire le bilan d’une période désormais perdue, regardant ceux qui nous laissent ou ne nous considèrent plus comme crédibles, importants.
Relisons à cette lumière encore une fois l’épisode d’Emmaüs (cf. Lc 24, 13-15). Les deux disciples s’enfuient de Jérusalem. Ils s’éloignent de la « nudité » de Dieu. Ils sont scandalisés par l’échec du Messie en qui ils avaient espéré et qui maintenant apparaît irrémédiablement vaincu, humilié, même après le troisième jour (vv. 17-21). Le mystère difficile de ceux qui quittent l’Église ; des personnes qui, après s’être laissées illusionner par d’autres propositions, retiennent que désormais l’Église – leur Jérusalem – ne peut plus offrir quelque chose de significatif et d’important. Et alors ils s’en vont par les chemins seuls avec leur désillusion.

Peut-être l’Église est-elle apparue trop faible, peut-être trop éloignée de leurs besoins, peut-être trop pauvre pour répondre à leurs inquiétudes, peut-être trop froide dans leurs contacts, peut-être trop autoréférentielle, peut-être prisonnière de ses langages rigides, peut-être le monde semble avoir fait de l’Église comme une survivance du passé, insuffisante pour les questions nouvelles ; peut-être l’Église avait-elle des réponses pour l’enfance de l’homme mais non pour son âge adulte.

Le fait est qu’aujourd’hui, il y en a beaucoup qui sont comme les deux disciples d’Emmaüs ; non seulement ceux qui cherchent des réponses dans les nouveaux et répandus groupes religieux, mais aussi ceux qui semblent désormais sans Dieu que ce soit en théorie ou en pratique.


Face à cette situation, que faire ?


Il faut une Église qui n’a pas peur de sortir dans leur nuit. Il faut une Église capable de croiser leur route. Il faut une Église en mesure de s’insérer dans leurs conversations. Il faut une Église qui sait dialoguer avec ces disciples, qui, en s’enfuyant de Jérusalem, errent sans but, seuls, avec leur désenchantement, avec la désillusion d’un Christianisme considéré désormais comme un terrain stérile, infécond, incapable de générer du sens.


La mondialisation implacable, l’urbanisation souvent sauvage ont promis beaucoup. Nombreux sont ceux qui se sont épris de la puissance de la mondialisation et en elle il y a quelque chose de vraiment positif.

Mais à beaucoup échappe le côté obscur : la perte du sens de la vie, la désintégration personnelle, la perte de l’expérience d’appartenance à un « nid » quelconque, la violence subtile mais implacable, la rupture intérieure et la fracture dans les familles, la solitude et l’abandon, les divisions et l’incapacité d’aimer, de pardonner, de comprendre, le poison intérieur qui rend la vie un enfer, le besoin de tendresse parce qu’on se sent si incapables et malheureux, les tentatives ratées de trouver des réponses dans la drogue, dans l’alcool, dans le sexe devenus prisons supplémentaires.

Et beaucoup ont cherché des faux-fuyants parce que la « mesure » de la Grande Église apparaît trop haute. Beaucoup ont pensé : l’idée de l’homme est trop grande pour moi, l’idéal de vie qu’elle propose est en dehors de mes possibilités, le but à atteindre est inaccessible, hors de ma portée.

Toutefois – ont-ils continué – je ne peux pas vivre sans avoir au moins quelque chose, même si c’est une caricature, de ce qui est trop haut pour moi, de ce que je ne peux pas me permettre. Avec la désillusion dans le coeur, ils sont allés à la recherche de quelqu’un qui les illusionne encore une fois.
Le sens profond d’abandon et de solitude, de non appartenance non plus à soi-même qui émerge souvent de cette situation est trop douloureux pour être passé sous silence. Il faut un exutoire et alors reste la voie de la lamentation : comment se fait-il que nous soyons arrivés à ce point ? Mais la lamentation devient aussi à son tour comme un boomerang qui revient en arrière et finit par augmenter le malheur. Peu de personnes sont encore capables d’écouter leur douleur ; il fau
t au moins l’anesthésier.


Aujourd’hui, il faut une Église en mesure de tenir compagnie, d’aller au-delà de la simple écoute ; une Église qui accompagne le chemin en se mettant en chemin avec les personnes, une Église capable de déchiffrer la nuit contenue dans la fuite de tant de frères et soeurs de Jérusalem ; une Église qui se rend compte que les raisons pour lesquelles on s’est éloigné contiennent déjà en elles-mêmes aussi les raisons d’un possible retour, mais il est nécessaire de savoir lire le tout avec courage.


Je voudrais que nous nous demandions tous aujourd’hui : sommes-nous encore une Église capable de réchauffer le coeur ? Une Église capable de reconduire à Jérusalem ? De réaccompagner à la maison ? Dans Jérusalem habitent nos sources : Écriture, Catéchèses, Sacrements, Communauté, amitié du Seigneur, Marie et les Apôtres… Sommes-nous encore en mesure de raconter ces sources de façon à réveiller l’enchantement pour leur beauté ?


Beaucoup sont partis parce qu’on leur a promis quelque chose de plus haut, quelque chose de plus fort, quelque chose de plus rapide.


Mais y-a-t-il quelque chose de plus haut que l’amour révélé à Jérusalem ? Rien n’est plus haut que l’abaissement de la Croix, puisque là est vraiment atteint le sommet de l’amour ! Sommes-nous encore capables de montrer cette vérité à ceux qui pensent que la vraie grandeur de la vie se trouve ailleurs ?


Connaissons-nous quelque chose de plus fort que la puissance cachée dans la fragilité de l’amour, du bien, de la vérité, de la beauté ?


La recherche de ce qui est toujours plus rapide attire l’homme d’aujourd’hui : Internet rapide, voitures rapides, avions rapides, rapports rapides… Et cependant on perçoit un besoin désespéré de calme, je veux dire de lenteur.

L’Église sait-elle encore être lente : dans le temps, pour écouter ; dans la patience, pour recoudre et recomposer ? Ou bien aussi l’Église est-elle désormais emportée par la frénésie de l’efficacité ? Retrouvons, chers frères, le calme de savoir accorder le pas avec les possibilités des pèlerins, avec leurs rythmes de marche, la capacité d’être toujours plus proches, pour leur permettre d’ouvrir un passage dans le désenchantement qu’il y a dans leurs coeurs, de manière à pouvoir y entrer. Ils veulent oublier Jérusalem en laquelle se trouvent leurs sources, mais ils finiront par avoir soif. Il faut une Église encore capable d’accompagner le retour à Jérusalem ! Une Église qui soit capable de faire redécouvrir les choses glorieuses et joyeuses qui se disent de Jérusalem, de faire comprendre qu’elle est ma Mère, notre Mère et que nous ne sommes pas orphelins ! Nous sommes nés en elle. Où est-elle notre Jérusalem, en laquelle nous sommes nés ? Dans le Baptême, dans la première rencontre avec l’amour, dans l’appel, dans la vocation !


Il faut une Église encore capable de redonner droit de cité à tant de ses fils qui marchent comme s’ils étaient en exode.

4. Les défis de l’Église au Brésil
À la lumière de ce que je viens de dire, je voudrais souligner quelques défis de l’Église bien-aimée qui est au Brésil.
La priorité de la formation : Évêques, prêtres, religieux, laïcs.
Chers frères, si nous ne formons pas des ministres capables de réchauffer le coeur des gens, de marcher dans la nuit avec eux, de dialoguer avec leurs illusions et leurs désillusions, de recomposer ce qui a été détruit en eux, que pouvons-nous espérer pour la route présente et future ? Il n’est pas vrai que Dieu soit obscurci en eux. Apprenons à regarder plus en profondeur : il manque celui qui réchauffe leur coeur, comme avec les disciples d’Emmaüs.


Pour cette raison, il est important de promouvoir et de soigner une formation qualifiée qui fasse des personnes capables de descendre dans la nuit sans être envahies par l’obscurité ni se perdre ; d’écouter les illusions d’un grand nombre, sans se laisser séduire ; d’accueillir les désillusions, sans se désespérer ni tomber dans l’amertume ; de toucher ce qui a été détruit chez les autres, sans se laisser dissoudre ni décomposer dans sa propre identité.


Il faut une solidité humaine, culturelle, affective, spirituelle, doctrinale. Chers frères dans l’épiscopat, il faut avoir le courage d’une révision profonde des structures de formation et de préparation des clercs et des laïcs de l’Église au Brésil. Une vague priorité donnée à la formation n’est pas suffisante, pas plus que des documents ou des congrès. Il faut avoir la sagesse pratique de mettre sur pied des structures durables de préparation dans le milieu local, régional et national, qui soient vraiment prises à coeur par l’épiscopat, sans épargner forces, attention et accompagnement. La situation actuelle exige une formation qualifiée à tous les niveaux. Les évêques ne peuvent pas déléguer cette tâche. Vous ne pouvez pas déléguer cette tâche, mais vous devez l’assumer comme quelque chose de fondamental pour la marche de vos Églises.

Collégialité et solidarité de la Conférence épiscopale
Il ne suffit pas, pour l’Église au Brésil, d’avoir un leader national ; il faut un réseau de « témoignages » régionaux, qui, parlant le même langage, font partout non pas l’unanimité, mais la véritable unité dans la richesse de la diversité.
La communion est une toile qui doit être tissée avec patience et persévérance, qui progressivement « resserre les points » pour obtenir une couverture toujours plus étendue et plus dense. Une couverture qui a peu de fils de laine ne réchauffe pas.
Il est important de rappeler Aparecida, la méthode de rassembler la diversité. Pas tant la diversité des idées pour produire un document, mais la variété des expériences de Dieu pour mettre en mouvement une dynamique vitale.
Les disciples d’Emmaüs sont retournés à Jérusalem en racontant l’expérience qu’ils avaient faite dans la rencontre avec le Christ Ressuscité. Et là ils ont pris connaissance des autres manifestations du Seigneur, et des expériences de leurs frères. La Conférence épiscopale est justement un espace vital pour permettre un tel échange de témoignages sur les rencontres avec le Ressuscité, au Nord, au Sud, à l’Ouest… Il faut alors une valorisation grandissante de l’élément local et régional. La bureaucratie centrale n’est pas suffisante, mais il faut faire grandir la collégialité et la solidarité ; ce sera une vraie richesse pour tous.

État permanent de mission et conversion pastorale
Aparecida a parlé d’un état permanent de mission et de la nécessité d’une conversion pastorale. Ce sont deux résultats importants de cette assemblée pour toute l’Église de la région, et le chemin parcouru au Brésil sur ces deux points est significatif.
À propos de la mission, il faut rappeler que son urgence provient de sa motivation interne ; c’est-à-dire qu’il s’agit de transmettre un héritage. Et, concernant la méthode, il est décisif de rappeler qu’un héritage est comme le témoin, le bâton dans la course de relais : on ne le jette pas en l’air, celui qui réussit à la prendre, c’est bien, celui qui ne réussit pas tant pis. Pour transmettre l’héritage, il faut le remettre personnellement, toucher celui à qui on veut donner, transmettre, cet héritage.
À propos de la conversion pastorale je voudrais rappeler que « pastoral » n’est pas autre chose que l’exercice de la maternité de l’Église. Celle-ci engendre, allaite, fait grandir, corrige, alimente, conduit par la main… Il faut alors une Église capable de redécouvrir les entrailles maternelles de la miséricorde. Sans la miséricorde il est difficile aujourd’hui de s’introduire dans un monde de « blessés » qui ont besoin de compréhension, de pardon, d’amour.
Dans la mission, également continentale, il est très important de renforcer la famille, qui reste la cellule essentielle pour la société et pour l’Église ; les jeunes, qui sont le visage futur de l’Église ; les femmes, qui ont un rôle fondamental dans la transmission de la foi. Ne réduisons pas l’engagement des femmes dans l’Église, mais promouvons leur rôle actif dans la communauté ecclésiale. En perdant les femmes l’Église risque la stérilité.

La mission de l’Église dans la société

Dans la société, l’Église demande une seule chose avec une clarté particulière : la liberté d’annoncer l’Évangile de manière intégrale, même quand elle est en opposition avec le monde, même quand elle va à contre-courant, en défendant le trésor dont elle est seulement la gardienne, et les valeurs dont elle ne dispose pas, mais qu’elle a reçues et auxquelles elle doit être fidèle.


L’Église met en avant le droit de pouvoir servir l’homme dans son intégralité, en lui disant ce que Dieu a révélé au sujet de l’homme et de sa réalisation. L’Église désire rendre présent ce patrimoine immatériel sans lequel la société s’effrite, les villes seraient englouties par leurs murs, leurs gouffres, leurs barrières. L’Église a le droit et le devoir de maintenir allumée la flamme de la liberté et de l’unité de l’homme.


Éducation, santé, paix sociale sont les urgences brésiliennes. L’Église a une parole à dire sur ces thèmes, car, pour répondre convenablement à ces défis, les solutions purement techniques ne suffisent pas, mais il faut avoir une vision sousjacente de l’homme, de sa liberté, de sa valeur, de son ouverture au transcendant. Et vous, chers confrères, ne craignez pas d’offrir cette contribution de l’Église qui est pour le bien de toute la société.

L’Amazonie comme un papier tournesol, banc d’épreuve pour l’Église et la société brésiliennes
Il y a un dernier point sur lequel j’aimerais m’arrêter, et que je retiens important pour la marche actuelle et future non seulement de l’Église au Brésil, mais aussi de toute la structure sociale : l’Amazonie. L’Église est en Amazonie non comme celui qui a les valises en main pour partir, après avoir exploité tout ce qu’il a pu. L’Église est présente en Amazonie depuis le début avec des missionnaires, des congrégations religieuses, et elle y est encore présente et déterminante pour l’avenir de cette région. Je pense à l’accueil que l’Église en Amazonie offre aujourd’hui aussi aux immigrés haïtiens après le terrible tremblement de terre qui a dévasté leur pays.

Je voudrais vous inviter tous à réfléchir sur ce que Aparecida a dit sur l’Amazonie, ainsi que sur le fort appel au respect et à la protection de toute la création que Dieu a confiée à l’homme, non pas pour qu’il l’exploite sauvagement, mais pour qu’il la fasse devenir un jardin.

Dans le défi pastoral que représente l’Amazonie, je ne peux pas ne pas remercier l’Église au Brésil pour ce qu’elle fait : la Commission épiscopale pour l’Amazonie, créée en 1997, a déjà donné beaucoup de fruits et de nombreux diocèses ont répondu avec promptitude et générosité à la demande de solidarité, en y envoyant des missionnaires laïcs et prêtres. Je remercie Mgr Jaime Chemelo, pionnier de ce travail, et le Cardinal Hummes, actuel Président de cette Commission.

Mais je voudrais ajouter que l’oeuvre de l’Église doit être stimulée et relancée davantage. Il faut des formateurs qualifiés, surtout des professeurs de théologie, pour consolider les résultats obtenus dans le domaine de la formation d’un clergé autochtone, aussi pour avoir des prêtres qui s’adaptent aux conditions locales, et consolider, pour ainsi dire, le « visage amazonien » de l’Église.

Chers confrères, j’ai essayé de vous offrir de manière fraternelle des réflexions et des lignes de travail dans une Église comme celle qui est au Brésil qui est un grand mosaïques de pièces, d’images, de formes, de problèmes, de défis, mais qui, justement pour cela, est une énorme richesse.

L’Église n’est jamais uniformité, mais diversités qui s’harmonisent dans l’unité et cela vaut pour toutes les réalités ecclésiales.


Que la Vierge Immaculée d’Aparecida soit l’étoile qui illumine votre engagement et votre marche pour porter, comme elle l’a fait, le Christ à tout homme et toute femme de votre immense pays. Comme il l’a fait avec les disciples d’Emmaüs perdus et déçus, lui vous réchauffera le coeur et vous donnera une espérance nouvelle et sûre. »

(passage en gras soulignés par M.J.)

«Ne soyez pas des chrétiens à mi-temps, mouillez votre chemise»

«Chers jeunes,

Nous venons de rappeler l'histoire de saint François d'Assise. Devant le Crucifix il entend la voix de Jésus qui lui dit: «François, va et répare ma maison». Et le jeune François répond avec rapidité et générosité à cet appel du Seigneur: réparer sa maison. Mais quelle maison? Peu à peu il s'est rendu compte qu'il ne s'agissait pas de faire le maçon et de réparer un édifice de pierres, mais de donner sa contribution à la vie de l'Église ; il s'agissait de se mettre au service de l'Église, en l'aimant et en travaillant, pour qu'en elle se reflète toujours davantage le Visage du Christ.

Aujourd'hui aussi, le Seigneur continue à avoir besoin de vous, les jeunes, pour son Église. Aujourd'hui aussi, il appelle chacun de vous à le suivre dans son Église et à être missionnaire. Comment? De quelle manière? En partant du nom du lieu dans lequel nous nous trouvons, Campus fidei, le Champ de la Foi, [ emplacement originel prévu en dehors de Rio, annulée pour raisons météorologique, le Pape devait corriger, au prononcé, ce changement de lieu, la veillée s'étant déroulé sur la baie de Copacabana) ndlr. ] j'ai pensé à trois images qui peuvent nous aider à mieux comprendre ce que signifie être disciple-missionnaire: la première, le champ qui est le lieu dans lequel on sème ; la seconde, le champ comme lieu d'entraînement ; et la troisième, le champ comme chantier.

Le champ comme lieu dans lequel on sème. Nous connaissons tous la parabole de Jésus qui parle d'un semeur parti jeter les semences dans son champ. Quelques unes d'entre elles tombent sur la route, au milieu des pierres, parmi les épines et ne parviennent pas à se développer. Mais d'autres tombent sur la bonne terre et produisent beaucoup de fruits (Cf. Mt 13, 1-9). Jésus lui-même explique le sens de la parabole: la semence est la Parole de Dieu qui est jetée dans les coeurs (Cf. Mt 13, 18-23).

Chers jeunes, cela signifie que le vrai Campus Fidei c'est le coeur de chacun de vous, c'est votre vie. Et c'est dans votre vie que Jésus demande d'entrer avec sa Parole, avec sa présence. S'il vous plaît, laissez le Christ et sa Parole entrer dans votre vie, germer et grandir! Jésus nous dit que les semences tombées au bord de la route, ou entre les pierres, ou au milieu des épines n'ont pas porté de fruit. Quel terrain sommes-nous ou voulons-nous être? Peut-être sommes nous parfois comme la route: nous écoutons le Seigneur, mais rien ne change dans la vie, parce que nous nous laissons étourdir par beaucoup d'attraits superficiels que nous écoutons ; ou comme le terrain pierreux: nous accueillons avec enthousiasme Jésus, mais nous sommes inconstants, et devant les difficultés nous n'avons pas le courage d'aller à contre courant ; ou nous sommes comme le terrain avec les épines: les choses, les passions négatives étouffent en nous les paroles du Seigneur (cf. Mt 13, 18-22).

Mais aujourd'hui, je suis certain que la semence tombe dans la bonne terre, que vous voulez être un bon terrain, non pas des chrétiens part-time, «empesés», de façade, mais des chrétiens authentiques. Je suis certain que vous ne voulez pas vivre dans l'illusion d'une liberté qui se laisse entraîner par les modes et les convenances du moment. Je sais que vous visez haut, vous voulez faire des choix définitifs qui donnent plein sens à la vie. Jésus est capable de vous offrir cela. Il est «la voie, la vérité et la vie» (Jn 14, 6). Ayons confiance en lui. Laissons-nous guider par lui!

2. Le champ comme lieu d'entraînement. Jésus nous demande de le suivre toute la vie, il nous demande d'être ses disciples, de «jouer dans son équipe». Je pense que la majorité d'entre vous aime le sport. Et ici, au Brésil, comme en d'autres pays, le football est une passion nationale. Et bien, que fait un joueur quand il est appelé à faire partie d'une équipe? Il doit s'entraîner, et s'entraîner beaucoup! Il en est ainsi dans notre vie de disciple du Seigneur. Saint Paul nous dit: «Tous les athlètes s'imposent une discipline sévère ; ils le font pour gagner une couronne qui va se faner, et nous pour une couronne qui ne se fane pas» (1 Co 9, 25). Jésus nous offre quelque chose de meilleur que la Coupe du monde! Il nous offre la possibilité d'une vie féconde et heureuse, il nous offre aussi un avenir avec lui qui n'aura pas de fin, la vie éternelle.

Mais il demande de nous entraîner pour «être en forme», pour affronter sans peur toutes les situations de la vie, en témoignant de notre foi. Comment? Par le dialogue avec lui: la prière, qui est le colloque quotidien avec Dieu qui toujours nous écoute. Par les sacrements, qui font grandir en nous sa présence et nous configurent au Christ. Par l'amour fraternel, par l'écoute, la compréhension, le pardon, l'accueil, l'aide de l'autre, de toute personne, sans exclure, sans mettre en marge.Chers jeunes, soyez de vrais «athlètes du Christ».

3. Le champ comme chantier. Quand notre coeur est une bonne terre qui accueille la Parole de Dieu, quand «on mouille sa chemise» en cherchant à vivre comme chrétiens, nous expérimentons quelque chose de grand: nous ne sommes jamais seuls, nous faisons partie d'une famille de frères qui parcourent le même chemin, nous faisons partie de l'Église ; ou plutôt nous devenons les constructeurs de l'Eglise et les protagonistes de l'histoire. Saint Pierre nous dit que nous sommes pierres vivantes qui forment un édifice spirituel (Cf. 1 P 2, 5). Et en regardant cette estrade, on voit qu'elle a la forme d'une église construite avec des pierres, avec des briques. Dans l'Église de Jésus nous sommes, nous, les pierres vivantes, et Jésus nous demande de construire son Église ; et non pas comme une petite chapelle qui ne peut contenir qu'un petit groupe de personnes. Il nous demande que son Église vivante soit grande au point de pouvoir accueillir l'humanité entière, qu'elle soit la maison de tous! Il dit à toi, à moi, à chacun: «allez, et de tous les peuples faites des disciples».

Ce soir, répondons-lui: Oui, moi aussi je veux être une pierre vivante ; ensemble, nous voulons édifier l'Église de Jésus! Disons ensemble: je veux aller et être constructeur de l'Église du Christ!

Dans votre jeune coeur, il y a le désir de construire un monde meilleur. J'ai suivi avec attention les nouvelles relatives à tant de jeunes qui, en tant de parties du monde sont sortis sur les routes pour exprimer le désir d'une civilisation plus juste et fraternelle. Demeure cependant la question: par où commencer? Quels critères pour la construction d'une société plus juste? Quand on demandait à Mère Theresa de Calcutta qu'est-ce qui devait changer dans l'Église, elle répondait: toi et moi!

Chers amis, n'oubliez pas: vous êtes le champ de la foi! Vous êtes les athlètes du Christ! Vous êtes les constructeurs d'une Église plus belle et d'un monde meilleur. Levons les yeux vers la Madone. Elle aide à suivre Jésus, elle nous donne l'exemple par son «oui»: «Voici la servante du Seigneur: que tout se passe pour moi selon ta parole» (Lc 1,38). Nous le disons nous aussi, ensemble avec Marie, à Dieu: Que tout se passe pour moi selon ta parole. Ainsi soit-il.»

Donnée le 27 juillet 2013, en la cathédrale Saint-Sébastien de Rio de Janeiro, durant les Journées mondiales de la jeunesse.

Chers frères dans le Christ !

En regardant cette cathédrale remplie d’Évêques, de prêtres, de séminaristes, de religieux et religieuses venus du monde entier, je pense aux paroles du Psaume de la messe d’aujourd’hui : « Que les peuples, Dieu, te rendent grâce » (Ps 66). Oui, nous sommes ici pour rendre grâce au Seigneur, et nous le faisons en réaffirmant notre volonté d’être ses instruments afin que non seulement quelques peuples rendent grâce à Dieu, mais tous. Avec la même parresia de Paul et Barnabé, annonçons l’Évangile à nos jeunes, pour qu’ils rencontrent le Christ, lumière pour la route, et deviennent constructeurs d’un monde plus fraternel. En ce sens, je voudrais réfléchir avec vous sur trois aspects de notre vocation : appelés par Dieu ; appelés pour annoncer l’Évangile ; appelés pour promouvoir la culture de la rencontre.

1. Appelés par Dieu.

Je crois qu'il est important de raviver en nous cette réalité, que souvent nous tenons pour acquise au milieu de tant d’engagements quotidiens : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis », nous dit Jésus (Jn 15, 16). C’est retourner à la source de notre appel. Un prêtre, un évêque, un religieux , une religieuse ou un séminariste ne peut pas avoir perdu la mémoire et oublier la référence essentielle qui est au début de son chemin. Demandez la grâce de Dieu, demandez-là à la Vierge Marie qui avait une bonne mémoire : demandez la grâce de vous souvenir de votre premier appel. Au commencement de notre cheminement vocationnel il y a une élection divine. Nous avons été appelés par Dieu et appelés pour demeurer avec Jésus (cf. Mc 3, 14). En réalité, le fait de vivre dans le Christ marque tout ce que nous sommes et faisons. Et cette « vie en Christ » est précisément ce qui garantit notre efficacité apostolique, la fécondité de notre service : « Je vous ai établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit demeure » (Jn 15, 16). Ce n’est pas la créativité pastorale, ce ne sont pas les réunions ou les planifications qui assurent les fruits... tout cela nous aide, mais ce qui assure les fruits, c'est le fait d’être fidèles à Jésus, qui nous dit avec insistance : « Demeurez en moi, comme moi en vous » (Jn 15, 4). Et nous savons bien ce que cela signifie : le contempler, l’adorer et l’embrasser, en particulier à travers notre fidélité à la vie de prière, dans notre rencontre quotidienne avec lui présent dans l’Eucharistie et dans les personnes les plus nécessiteuses. Le fait de « demeurer » avec le Christ ne signifie pas s’isoler, mais c’est demeurer pour aller à la rencontre des autres. Il me vient à l’esprit quelques paroles de la bienheureuse Mère Teresa de Calcutta : « Nous devons être très fiers de notre vocation qui nous donne l’opportunité de servir le Christ dans les pauvres. C’est dans les ‘favellas’, dans les ‘cantegriles’, dans les ‘villas miseria’, que l’on doit aller chercher et servir le Christ. Nous devons aller chez eux comme le prêtre se rend à l’autel, avec joie » (Mother Instructions, I, p. 80). Voilà ce que disait la bienheureuse. Jésus, Bon Pasteur, est notre vrai trésor... S'il vous plaît, il ne faut pas l'exclure de notre vie, mais chercher à fixer toujours plus en lui notre cœur (cf. Lc 12, 34).

2. Appelés pour annoncer l’Évangile.

Chers Évêques et prêtres, beaucoup d’entre vous, sinon tous, êtes venus pour accompagner vos jeunes à leurs Journées mondiales. Eux aussi ont entendu les paroles du mandat de Jésus : « Allez, de toutes les nations faites des disciples » (cf. Mt 28, 19). C’est notre engagement de les aider à faire brûler dans leur cœur le désir d’être des disciples missionnaires de Jésus. Certes, face à cette invitation beaucoup pourraient se sentir un peu effrayés, pensant qu’être missionnaire signifie laisser nécessairement son pays, sa famille et ses amis.

Dieu nous demande d'être missionnaires là où nous sommes, là où il nous a placés. Aidons les jeunes à comprendre qu'être missionnaire doit être la conséquence de notre baptême, que c'est un élément essentiel de ce qui fait de nous des chrétiens. Et nous devons aussi les aider à réaliser que le premier lieu où nous sommes appelés à être missionnaires, c'est notre propre maison, le lieu de nos études ou de notre travail, pour évangéliser notre famille et nos amis. Aidons les jeunes, ayons l'oreille attentive à leurs questions. Les jeunes ont besoin d'être écoutés quand ils rencontrent des difficultés. Bien sûr, ils ont des musiques différentes, des identités différentes... nous devons avoir la patience d'écouter, c'est ce que demande chaque cœur, dans la confession et la direction spirituelle. Nous devons savoir comment mieux passer du temps avec eux. Jésus nous demande d'être avec eux, les jeunes, et d'avoir cet effort pour les former.

N’économisons pas nos forces dans la formation des jeunes ! S’adressant à ses chrétiens, saint Paul utilise une belle expression, qu’il a fait devenir réalité dans sa vie: « Mes petits enfants, vous que j’enfante à nouveau dans la douleur jusqu’à ce que le Christ ait pris forme chez vous » (Ga 4, 19). Nous aussi faisons-la devenir réalité dans notre ministère ! Aidons nos jeunes à redécouvrir le courage et la joie de la foi, la joie d’être aimés personnellement de Dieu, qui a donné son Fils Jésus pour notre salut. Éduquons-les à la mission, à sortir, à partir. Jésus a fait ainsi avec ses disciples : il ne les a pas tenus attachés à lui comme une mère poule avec ses poussins ; il les a envoyés !

Nous ne pouvons pas rester enfermés dans la paroisse, dans nos communautés, dans nos institutions quand tant de personnes attendent l’Évangile ! Ce n’est pas simplement ouvrir la porte pour accueillir, mais c’est sortir par la porte pour chercher et rencontrer !

Encourageons les jeunes à sortir. Bien sûr, nous ne devons pas avoir peur de sortir. Poussons-les à sortir... Avec courage, pensons à la pastorale en partant de la périphérie, en partant de ceux qui sont les plus loin, de ceux qui d’habitude ne fréquentent pas la paroisse. Eux aussi sont invités à la table du Seigneur.

3. Appelés à promouvoir la culture de la rencontre.

Malheureusement, dans beaucoup de milieux, s’est développée une culture de l’exclusion, une « culture du rebut ». Il n’y a de place ni pour l’ancien ni pour l’enfant non voulu ; il n’y a pas de temps pour s’arrêter avec ce pauvre au bord de la route. Parfois il semble que pour certains, les relations humaines soient régulées par deux "dogmes" modernes : efficacité et pragmatisme.

Chers Évêques, prêtres, religieux, et vous aussi séminaristes qui vous préparez au ministère, ayez le courage d’aller à contrecourant de cette culture. Ayez ce courage ! Souvenez-vous... moi, c'est quelque chose qui me fait du bien et je le médite souvent... Prenez le Premier Livre des Maccabées : rappelez-vous quand il ont voulu suivre la culture de l'époque : « Non ! Laissez-nous manger comme tout le monde... La loi est bonne, bien sûr, mais elle n'est pas tout... » Petit à petit, ils ont abandonné la foi pour se fondre dans la culture de l'époque.

Ayez le courage d'aller contre cette culture de l'efficacité, cette culture du rejet.

La rencontre et l’accueil de tous, la solidarité... c'est un mot caché aujourd'hui, comme un gros mot...

La solidarité et la fraternité sont les éléments qui rendent notre civilisation vraiment humaine.

Être serviteurs de la communion et de la culture de la rencontre ! Laissez-moi dire que nous devrions être presque obsessionnels en ce sens. Nous ne voulons pas être présomptueux, en imposant "nos vérités". Ce qui nous guide c’est l’humble et heureuse certitude de celui qui a été trouvé, rejoint et transformé par la Vérité qui est le Christ et qui ne peut pas ne pas l’annoncer (cf. Lc 24, 13-35).

Chers frères et sœurs, nous sommes appelés par Dieu, chacun d'entre nous, appelés à annoncer l’Évangile et à promouvoir avec courage la culture de la rencontre. Que la Vierge Marie soit notre modèle ! Dans sa vie elle a été « le modèle de cet amour maternel dont doivent être animés tous ceux qui, associés à la mission apostolique de l'Église, travaillent à la régénération des hommes » (Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 65). Demandons-lui de nous apprendre à rencontrer chaque jour Jésus... Et si nous avons beaucoup de choses à faire et que le temple reste délaissé, comme c'est notre mère, demandons-lui de nous prendre par la main. Arrêtons-nous.

Demandons-lui de nous prendre par la main pour aller à la rencontre de nos frères et nos sœurs, à la rencontre des périphéries qui ont soif de Dieu mais qui n'ont personne pour le leur annoncer...

Demandons-lui, non pas de nous ramener à la maison, mais de nous encourager à sortir de chez nous.

C'est comme cela que nous serons des disciples du Seigneur...

Que Dieu nous accorde cette grâce.

Donnée le 27 juillet 2013, en la cathédrale Saint-Sébastien de Rio de Janeiro, durant les Journées mondiales de la jeunesse.

Chers frères dans le Christ !

En regardant cette cathédrale remplie d’Évêques, de prêtres, de séminaristes, de religieux et religieuses venus du monde entier, je pense aux paroles du Psaume de la messe d’aujourd’hui : « Que les peuples, Dieu, te rendent grâce » (Ps 66). Oui, nous sommes ici pour rendre grâce au Seigneur, et nous le faisons en réaffirmant notre volonté d’être ses instruments afin que non seulement quelques peuples rendent grâce à Dieu, mais tous. Avec la même parresia de Paul et Barnabé, annonçons l’Évangile à nos jeunes, pour qu’ils rencontrent le Christ, lumière pour la route, et deviennent constructeurs d’un monde plus fraternel. En ce sens, je voudrais réfléchir avec vous sur trois aspects de notre vocation : appelés par Dieu ; appelés pour annoncer l’Évangile ; appelés pour promouvoir la culture de la rencontre.

1. Appelés par Dieu.

Je crois qu'il est important de raviver en nous cette réalité, que souvent nous tenons pour acquise au milieu de tant d’engagements quotidiens : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis », nous dit Jésus (Jn 15, 16). C’est retourner à la source de notre appel. Un prêtre, un évêque, un religieux , une religieuse ou un séminariste ne peut pas avoir perdu la mémoire et oublier la référence essentielle qui est au début de son chemin. Demandez la grâce de Dieu, demandez-là à la Vierge Marie qui avait une bonne mémoire : demandez la grâce de vous souvenir de votre premier appel. Au commencement de notre cheminement vocationnel il y a une élection divine. Nous avons été appelés par Dieu et appelés pour demeurer avec Jésus (cf. Mc 3, 14). En réalité, le fait de vivre dans le Christ marque tout ce que nous sommes et faisons. Et cette « vie en Christ » est précisément ce qui garantit notre efficacité apostolique, la fécondité de notre service : « Je vous ai établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit demeure » (Jn 15, 16). Ce n’est pas la créativité pastorale, ce ne sont pas les réunions ou les planifications qui assurent les fruits... tout cela nous aide, mais ce qui assure les fruits, c'est le fait d’être fidèles à Jésus, qui nous dit avec insistance : « Demeurez en moi, comme moi en vous » (Jn 15, 4). Et nous savons bien ce que cela signifie : le contempler, l’adorer et l’embrasser, en particulier à travers notre fidélité à la vie de prière, dans notre rencontre quotidienne avec lui présent dans l’Eucharistie et dans les personnes les plus nécessiteuses. Le fait de « demeurer » avec le Christ ne signifie pas s’isoler, mais c’est demeurer pour aller à la rencontre des autres. Il me vient à l’esprit quelques paroles de la bienheureuse Mère Teresa de Calcutta : « Nous devons être très fiers de notre vocation qui nous donne l’opportunité de servir le Christ dans les pauvres. C’est dans les ‘favellas’, dans les ‘cantegriles’, dans les ‘villas miseria’, que l’on doit aller chercher et servir le Christ. Nous devons aller chez eux comme le prêtre se rend à l’autel, avec joie » (Mother Instructions, I, p. 80). Voilà ce que disait la bienheureuse. Jésus, Bon Pasteur, est notre vrai trésor... S'il vous plaît, il ne faut pas l'exclure de notre vie, mais chercher à fixer toujours plus en lui notre cœur (cf. Lc 12, 34).

2. Appelés pour annoncer l’Évangile.

Chers Évêques et prêtres, beaucoup d’entre vous, sinon tous, êtes venus pour accompagner vos jeunes à leurs Journées mondiales. Eux aussi ont entendu les paroles du mandat de Jésus : « Allez, de toutes les nations faites des disciples » (cf. Mt 28, 19). C’est notre engagement de les aider à faire brûler dans leur cœur le désir d’être des disciples missionnaires de Jésus. Certes, face à cette invitation beaucoup pourraient se sentir un peu effrayés, pensant qu’être missionnaire signifie laisser nécessairement son pays, sa famille et ses amis.

Dieu nous demande d'être missionnaires là où nous sommes, là où il nous a placés. Aidons les jeunes à comprendre qu'être missionnaire doit être la conséquence de notre baptême, que c'est un élément essentiel de ce qui fait de nous des chrétiens. Et nous devons aussi les aider à réaliser que le premier lieu où nous sommes appelés à être missionnaires, c'est notre propre maison, le lieu de nos études ou de notre travail, pour évangéliser notre famille et nos amis. Aidons les jeunes, ayons l'oreille attentive à leurs questions. Les jeunes ont besoin d'être écoutés quand ils rencontrent des difficultés. Bien sûr, ils ont des musiques différentes, des identités différentes... nous devons avoir la patience d'écouter, c'est ce que demande chaque cœur, dans la confession et la direction spirituelle. Nous devons savoir comment mieux passer du temps avec eux. Jésus nous demande d'être avec eux, les jeunes, et d'avoir cet effort pour les former.

N’économisons pas nos forces dans la formation des jeunes ! S’adressant à ses chrétiens, saint Paul utilise une belle expression, qu’il a fait devenir réalité dans sa vie: « Mes petits enfants, vous que j’enfante à nouveau dans la douleur jusqu’à ce que le Christ ait pris forme chez vous » (Ga 4, 19). Nous aussi faisons-la devenir réalité dans notre ministère ! Aidons nos jeunes à redécouvrir le courage et la joie de la foi, la joie d’être aimés personnellement de Dieu, qui a donné son Fils Jésus pour notre salut. Éduquons-les à la mission, à sortir, à partir. Jésus a fait ainsi avec ses disciples : il ne les a pas tenus attachés à lui comme une mère poule avec ses poussins ; il les a envoyés !

Nous ne pouvons pas rester enfermés dans la paroisse, dans nos communautés, dans nos institutions quand tant de personnes attendent l’Évangile ! Ce n’est pas simplement ouvrir la porte pour accueillir, mais c’est sortir par la porte pour chercher et rencontrer !

Encourageons les jeunes à sortir. Bien sûr, nous ne devons pas avoir peur de sortir. Poussons-les à sortir... Avec courage, pensons à la pastorale en partant de la périphérie, en partant de ceux qui sont les plus loin, de ceux qui d’habitude ne fréquentent pas la paroisse. Eux aussi sont invités à la table du Seigneur.

3. Appelés à promouvoir la culture de la rencontre.

Malheureusement, dans beaucoup de milieux, s’est développée une culture de l’exclusion, une « culture du rebut ». Il n’y a de place ni pour l’ancien ni pour l’enfant non voulu ; il n’y a pas de temps pour s’arrêter avec ce pauvre au bord de la route. Parfois il semble que pour certains, les relations humaines soient régulées par deux "dogmes" modernes : efficacité et pragmatisme.

Chers Évêques, prêtres, religieux, et vous aussi séminaristes qui vous préparez au ministère, ayez le courage d’aller à contrecourant de cette culture. Ayez ce courage ! Souvenez-vous... moi, c'est quelque chose qui me fait du bien et je le médite souvent... Prenez le Premier Livre des Maccabées : rappelez-vous quand il ont voulu suivre la culture de l'époque : « Non ! Laissez-nous manger comme tout le monde... La loi est bonne, bien sûr, mais elle n'est pas tout... » Petit à petit, ils ont abandonné la foi pour se fondre dans la culture de l'époque.

Ayez le courage d'aller contre cette culture de l'efficacité, cette culture du rejet.

La rencontre et l’accueil de tous, la solidarité... c'est un mot caché aujourd'hui, comme un gros mot...

La solidarité et la fraternité sont les éléments qui rendent notre civilisation vraiment humaine.

Être serviteurs de la communion et de la culture de la rencontre ! Laissez-moi dire que nous devrions être presque obsessionnels en ce sens. Nous ne voulons pas être présomptueux, en imposant "nos vérités". Ce qui nous guide c’est l’humble et heureuse certitude de celui qui a été trouvé, rejoint et transformé par la Vérité qui est le Christ et qui ne peut pas ne pas l’annoncer (cf. Lc 24, 13-35).

Chers frères et sœurs, nous sommes appelés par Dieu, chacun d'entre nous, appelés à annoncer l’Évangile et à promouvoir avec courage la culture de la rencontre. Que la Vierge Marie soit notre modèle ! Dans sa vie elle a été « le modèle de cet amour maternel dont doivent être animés tous ceux qui, associés à la mission apostolique de l'Église, travaillent à la régénération des hommes » (Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 65). Demandons-lui de nous apprendre à rencontrer chaque jour Jésus... Et si nous avons beaucoup de choses à faire et que le temple reste délaissé, comme c'est notre mère, demandons-lui de nous prendre par la main. Arrêtons-nous.

Demandons-lui de nous prendre par la main pour aller à la rencontre de nos frères et nos sœurs, à la rencontre des périphéries qui ont soif de Dieu mais qui n'ont personne pour le leur annoncer...

Demandons-lui, non pas de nous ramener à la maison, mais de nous encourager à sortir de chez nous.

C'est comme cela que nous serons des disciples du Seigneur...

Que Dieu nous accorde cette grâce.

Discours du pape au comité de coordination du CELAM

Prononcé le 29 juillet 2013, à Rio de Janeiro, lors d'une rencontre avec le comité de coordination du Conseil épiscopal latino-américain (CELAM).

1. Introduction

Je remercie le Seigneur pour cette opportunité de pouvoir parler avec vous, frères Évêques, responsables du CELAM pour le quadriennat 2011-2015. Depuis 57 ans, le CELAM est au service des 22 Conférences épiscopales d’Amérique latine et des Caraïbes, collaborant de façon solidaire et subsidiaire pour promouvoir, stimuler et rendre dynamique la collégialité épiscopale et la communion entre les Églises de cette région et ses Pasteurs.

Comme vous, moi aussi je suis témoin de la forte impulsion de l’Esprit dans la Cinquième Conférence générale de l’Épiscopat latino-américain et des Caraïbes à Aparecida en mai 2007, qui continue à animer les travaux du CELAM pour le renouveau ardemment désiré des Églises particulières. Dans une bonne partie d’entre elles ce renouveau est déjà en cours. Je voudrais centrer cet entretien sur le patrimoine hérité de cette rencontre fraternelle que tous nous avons baptisée comme Mission continentale.

2. Caractéristiques propres d’Aparecida

Il y a quatre caractéristiques qui sont propres à la Cinquième Conférence. Elles sont comme quatre colonnes du développement d’Aparecida et qui lui confèrent son originalité.

1) Un commencement sans document


Medellín, Puebla et Saint-Domingue ont commencé leurs travaux avec un parcours de préparation qui a abouti à une espèce d’Instrumentum laboris, avec lequel se développèrent la discussion, la réflexion et l’approbation du document final. Au contraire Aparecida a promu la participation des Églises particulières comme parcours de préparation qui a abouti à un document de synthèse. Ce document, bien qu’il fût de référence durant la Cinquième Conférence générale, ne fut pas adopté comme document de départ. Le travail initial consista dans la mise en commun des préoccupations des Pasteurs devant le changement d’époque et la nécessité de récupérer la vie de disciple et de missionnaire par laquelle le Christ a fondé l’Église.

2) Atmosphère de prière avec le Peuple de Dieu


Il est important de rappeler l’atmosphère de prière suscitée par le partage quotidien de l’Eucharistie et des autres moments liturgiques, où nous fûmes toujours accompagnés du Peuple de Dieu. D’autre part, du fait que les travaux eurent lieu dans le sous-sol du Sanctuaire, la « musique fonctionnelle » qui les accompagnait fut les chants et les prières des fidèles.

3) Un document qui se prolonge en engagement, avec la Mission continentale


Dans ce contexte de prière et de vie de foi surgit le désir d’une nouvelle Pentecôte pour l’Église et l’engagement de la Mission continentale. Aparecida ne se termine pas par un Document, mais se prolonge dans la Mission continentale.

4) La présence de Notre-Dame, Mère de l’Amérique


C’est la première Conférence de l’Épiscopat latino-américain et des Caraïbes qui se réalisa dans un sanctuaire marial.

3. Dimensions de la Mission continentale

La Mission continentale est pensée en deux dimensions : programmatique et paradigmatique.

La mission programmatique, comme l’indique son nom, consiste dans la réalisation d’actes de nature missionnaire. La mission paradigmatique, par contre, implique sous l’angle missionnaire les activités habituelles des Églises particulières. Évidemment, ici on a, comme conséquence, toute une dynamique de réforme des structures ecclésiales.

Le « changement des structures » (de caduques à nouvelles) n’est pas le fruit d’une étude sur l’organisation de la structure ecclésiastique fonctionnelle, dont résulterait une réorganisation statique, mais il est une conséquence de la dynamique de la mission.

Ce qui fait tomber les structures caduques, ce qui porte à changer les cœurs des chrétiens c’est précisément le fait d’être missionnaire. D’où l’importance de la mission paradigmatique.

La Mission continentale, aussi bien programmatique que paradigmatique exige de susciter la conscience d’une Église qui s’organise pour servir tous les baptisés et les hommes de bonne volonté.

Le disciple du Christ n’est pas une personne isolée dans une spiritualité intimiste, mais une personne en communauté pour se donner aux autres.

Mission continentale implique par conséquent appartenance ecclésiale.

Une organisation comme celle-ci, qui commence par le fait d’être disciple missionnaire et implique de comprendre l’identité du chrétien comme appartenance ecclésiale, demande que nous explicitions quels sont les défis en cours de la dimension missionnaire du fait d’être disciple. Je n’en souligne que deux : le renouveau interne de l’Église et le dialogue avec le monde actuel.

Renouveau interne de l’Église

Aparecida a proposé comme nécessaire la Conversion pastorale.

Cette conversion implique de croire dans la Bonne Nouvelle, croire en Jésus Christ porteur du Royaume de Dieu, dans son irruption dans le monde, dans sa présence victorieuse sur le mal, croire dans l’assistance et la conduite de l’Esprit Saint, croire dans l’Église, Corps du Christ et celle qui prolonge le dynamisme de l’Incarnation.

En ce sens, il est nécessaire, comme pasteurs, que nous soulevions les interrogations qui font référence aux Églises que nous présidons. Ces questions servent de guide pour examiner l’état des Diocèses dans l’acceptation de l’esprit d’Aparecida, et sont des questions qu’il convient que nous nous posions fréquemment comme examen de conscience.

1. Faisons-nous en sorte que notre travail et celui de nos prêtres soit plus pastoral qu’administratif ? Qui est le principal bénéficiaire du travail ecclésial, l’Église comme organisation ou le Peuple de Dieu dans sa totalité ?
2. Dépassons-nous la tentation d’accorder une attention réactive aux problèmes complexes qui surgissent ? Créons-nous une habitude pro-active ? Promouvons-nous des lieux et des occasions pour manifester la miséricorde de Dieu ? Sommes-nous conscients de la responsabilité de reconsidérer les activités pastorales et le fonctionnement des structures ecclésiales, en cherchant le bien des fidèles et de la société ?
3. Dans la pratique, rendons-nous participants de la Mission les fidèles laïcs ? Offrons-nous la Parole de Dieu et les sacrements avec la claire conscience et la conviction que l’Esprit se manifeste en eux ?
4. Le discernement pastoral est-il un critère habituel, en nous servant des Conseils diocésains ? Ces Conseils et les Conseils paroissiaux de Pastorale et des Affaires économiques sont-ils des lieux réels pour la participation des laïcs dans la consultation, l’organisation et la planification pastorales ? Le bon fonctionnement des Conseils est déterminant. Je crois que nous sommes très en retard en cela.
5. Nous, Pasteurs, Évêques et Prêtres, avons-nous la conscience et la conviction de la mission des fidèles et leur donnons-nous la liberté pour qu’ils discernent, conformément à leur chemin de disciples, la mission que le Seigneur leur confie ? Les soutenons-nous et les accompagnons-nous, en dépassant toute tentation de manipulation ou de soumission indue ? Sommes-nous toujours ouverts à nous laisser interpeller dans la recherche du bien de l’Église et de sa Mission dans le monde ?
6. Les agents pastoraux et les fidèles en général se sentent-ils partie de l’Église, s’identifient-ils avec elle et la rendent-ils proche aux baptisés distants et éloignés ?

Comme on peut le comprendre, ici sont en jeu des attitudes. La conversion pastorale concerne principalement les attitudes et une réforme de vie. Un changement d’attitude est forcément dynamique : « on entre dans un processus » et on peut seulement le canaliser en l’accompagnant et en discernant. Il est important d’avoir toujours présent à l’esprit que la boussole pour ne pas se perdre sur ce chemin est celle de l’identité catholique comprise comme appartenance ecclésiale.

Dialogue avec le monde actuel

Il est bon de rappeler la parole du Concile Vatican II : Les joies et les espérances, les tristesses et les angoisses des hommes de notre temps, surtout des pauvres et de ceux qui souffrent, sont à leur tour, joies et espérances, tristesses et angoisses des disciples du Christ (cf. Const. Gaudium et spes, n. 1).

C’est là que se trouve la base du dialogue avec le monde actuel.

La réponse aux questions existentielles de l’homme d’aujourd’hui, spécialement des nouvelles générations, en prêtant attention à leur langage, comporte un changement fécond qu’il faut parcourir avec l’aide de l’Évangile, du Magistère et de la Doctrine sociale de l’Église. Les paysages et les aréopages sont les plus variés. Par exemple, dans une même ville, existent différents imaginaires collectifs qui configurent "différentes villes". Si nous restons seulement dans les paramètres de "la culture de toujours", au fond une culture de base rurale, le résultat sera finalement l’annulation de la force de l’Esprit Saint. Dieu est partie : il faut savoir le découvrir pour pouvoir l’annoncer dans les idiomes de chaque culture ; et chaque réalité, chaque langue, a un rythme différent.

4. Quelques tentations du disciple missionnaire

L’option missionnaire du disciple sera soumise à des tentations. Il est important de savoir comprendre la stratégie de l’esprit mauvais pour nous aider dans le discernement.

Il ne s’agit pas de sortir pour chasser les démons, mais seulement de lucidité et de ruse évangélique.

Je mentionne seulement quelques attitudes qui configurent une Église "tentée". Il s’agit de connaître certaines propositions actuelles qui peuvent se dissimuler dans la dynamique du disciple missionnaire et arrêter, jusqu’à le faire échouer, le processus de conversion pastorale.

1. L’idéologisation du message évangélique.

Il y a une tentation qui s’est rencontrée dans l’Église dès l’origine : chercher une herméneutique d’interprétation évangélique en dehors du message de l’Évangile lui-même et en dehors de l’Église.

Un exemple : Aparecida, à un certain moment, a connu cette tentation sous forme d « asepsie ».

On a utilisé, et c’est bien, la méthode du « voir, juger, agir » (Cf. n. 19).

La tentation résidait dans le fait de choisir un « voir » totalement aseptique, un « voir » neutre, lequel est irréalisable. Le voir est toujours influencé par le regard. Il n’y a pas d’herméneutique aseptisée. La demande était alors : avec quel regard voyons-nous la réalité ? Aparecida a répondu : avec le regard du disciple.

C’est ainsi que se comprennent les n. 20 à 32. Il y a d’autres manières d’idéologiser le message et, actuellement, apparaissent en Amérique Latine et dans les Caraïbes des propositions de cette nature. J’en mentionne seulement quelques unes :

a) La réduction socialisante.

C’est l’idéologisation la plus facile à découvrir. A certains moments elle a été très forte. Il s’agit d’une prétention interprétative sur la base d’une herméneutique selon les sciences sociales. Elle recouvre les champs les plus variés : du libéralisme de marché aux catégories marxistes.

b) L’idéologisation psychologique.

Il s’agit d’une herméneutique élitiste qui, en définitive, réduit la « rencontre avec Jésus-Christ », et son développement ultérieur, à une dynamique d’auto-connaissance. On la rencontre habituellement dans les cours de spiritualité, les retraites spirituelles, etc. Il finit par en résulter un comportement immanent autoréférentiel. On ne sent pas de transcendance, ni par conséquent, de comportement missionnaire.

c) La proposition gnostique.

Assez liée à la tentation précédente. On la rencontre habituellement dans des groupes d’élites faisant la proposition d’une spiritualité supérieure, assez désincarnée, et qui conduit à faire de « questions disputées » des attitudes pastorales. Ce fut la première déviation de la communauté primitive, et elle est réapparue, au cours de l’histoire de l’Église, sous des versions revues et corrigées.

On les appelle vulgairement « catholiques des Lumières » (parce qu’ils sont héritiers de la culture des Lumières).

d) La proposition pélagienne.

Elle apparait fondamentalement sous la forme d’une restauration.

Devant les maux de l’Église, on cherche une solution seulement disciplinaire, par la restauration de conduites et des formes dépassées qui n’ont pas même culturellement la capacité d’être significatives.

En Amérique Latine, on la rencontre dans des petits groupes, dans quelques Congrégations religieuses nouvelles qui recherchent une « sécurité » doctrinale ou disciplinaire. Elle est fondamentalement statique, même si elle promet une dynamique ad intra, qui retourne en arrière. Elle cherche à « récupérer » le passé perdu.

2. Le fonctionnalisme.

Son action dans l’Église est paralysante.

Il s’enthousiasme davantage pour la « feuille de route du chemin » que pour la réalité du chemin. La conception fonctionnaliste n’accepte pas le mystère, elle regard à l’efficacité.

Elle réduit la réalité de l’Église à la structure d’une ONG. Ce qui importe c’est le résultat constatable et les statistiques.

De là on va à toutes les manières d’entrepreneurs de l’Église. Elle constitue une sorte de « théologie de la prospérité » dans l’organisation de la Pastorale.

3. Le cléricalisme est aussi une tentation très actuelle en Amérique Latine.

Curieusement, dans la majorité des cas, il s’il agit d’une complicité pécheresse : le curé cléricalise, et le laïc lui demande à être cléricalisé, parce que c’est finalement plus facile pour lui. Le phénomène du cléricalisme explique, en grande partie, le manque de maturité et de liberté chrétienne dans une bonne part du laïcat latino-américain.

Ou bien il ne grandit pas (la majorité), ou bien il se blottit sous les couvertures des idéologisations, dont nous avons parlé, ou dans des appartenances partielles et limitées.

Il existe, dans nos régions une forme de liberté des laïcs à travers des expériences de peuple : le catholique comme peuple.

Ici on voit une plus grande autonomie, saine en général, qui s’exprime fondamentalement dans la piété populaire.

Le chapitre d’Aparecida sur la piété populaire décrit en profondeur cette dimension. La proposition des groupes bibliques, des communautés ecclésiales de base et des conseils pastoraux vont dans le sens d’un dépassement du cléricalisme et d’une croissance de la responsabilité des laïcs.

Nous pourrions continuer en décrivant quelques autres tentations contre la condition de disciple missionnaire, mais je crois que celles-ci sont les plus importantes et ont la plus grande force en ce moment en Amérique Latine et dans las Caraïbes.

5. Quelques critères ecclésiologiques

1. La condition de disciple missionnaire qu’Aparecida propose aux Églises d’Amérique Latine et des Caraïbes est le chemin que Dieu veut pour « aujourd’hui ».

Toute projection utopique (vers le futur) comme toute restauration (vers le passé) ne sont pas de l’esprit bon.

Dieu est réel et se manifeste dans l’ « aujourd’hui ».

Vers le passé, sa présence se donne à nous comme « mémoire » de la grande œuvre du salut aussi bien dans son peuple, qu’en chacun de nous ; vers le futur elle se donne à nous comme « promesse » et espérance. Dans le passé Dieu a été présent et a laissé ses traces : la mémoire nous aide à le rencontrer. Dans le futur il est seulement promesse…et il n’est pas mille et un « futuribles ».

L’ « aujourd’hui » est ce qui ressemble le plus à l’éternité ; mieux encore : l’ « aujourd’hui » est étincelle d’éternité. Dans l’« aujourd’hui » se joue la vie éternelle.

La condition de disciple missionnaire est vocation : appel et invitation. Elle a lieu dans un « aujourd’hui » mais « en tension ». Il n’existe pas de condition de disciple missionnaire statique. Le disciple missionnaire ne peut pas se posséder lui-même, son immanence est en tension vers la transcendance de la condition de disciple et vers la transcendance de la mission.

Elle n’admet pas l’auto-référentialité : ou elle se réfère à Jésus-Christ, ou elle se réfère au peuple auquel elle doit annoncer.

Sujet qui se dépasse. Sujet projeté vers la rencontre : la rencontre avec le Maître (qui nous fait disciples) et la rencontre avec les hommes qui attendent l’annonce.

C’est pourquoi j’aime dire que la position du disciple missionnaire n’est pas une position de centre mais de périphéries : il vit en tension vers les périphéries… y compris celles de l’éternité dans la rencontre avec Jésus Christ.

Dans l’annonce évangélique, parler de « périphéries existentielles » décentre et nous avons habituellement peur de quitter le centre. Le disciple missionnaire est un « décentré » : le centre est Jésus Christ, qui convoque et envoie. Le disciple est envoyé aux périphéries existentielles.

2. L’Église est institution, mais quand elle s’érige en « centre », elle tombe dans le fonctionnalisme et, peu à peu, elle se transforme en une ONG.

L’Église prétend alors avoir sa propre lumière et cesse d’être ce « misterium lunae » dont nous parlent les saints Pères (de l’Église).

Elle devient de plus en plus autoréférentielle et sa nécessité d’être missionnaire s’affaiblit.

D’« Institution » elle se transforme en « Œuvre ». Elle cesse d’être Épouse et finit par être Administratrice ; de Servante elle se transforme en « Contrôleuse ».

Aparecida veut une Église Épouse, Mère, Servante, une Église qui facilite la foi et non pas une Église qui la contrôle.

3. À Aparecida, on a de manière importante deux catégories pastorales qui émergent de l’originalité même de l’Évangile et qui peuvent aussi nous servir de critère pour évaluer comment nous vivons de manière ecclésiale en disciples missionnaires : la proximité et la rencontre.

Aucune des deux n’est nouvelle, mais elles constituent la modalité par laquelle Dieu s’est révélé dans l’histoire.

Il est le « Dieu proche » de son peuple, une proximité qui atteint son sommet dans l’incarnation.

Il est le Dieu qui sort à la rencontre de son peuple.

En Amérique Latine et dans les Caraïbes il y a des pastorales « éloignées », des pastorales disciplinaires qui privilégient les principes, les conduites, les procédures organisatrices…. évidemment sans proximité, sans tendresse, sans caresse.

On ignore la « révolution de la tendresse » qui provoqua l’incarnation du Verbe.

Il y a des pastorales organisées avec une telle dose de distance qu’elles sont incapables d’arriver à la rencontre : rencontre avec Jésus Christ, rencontre avec les frères.

De ce type de pastorales, on peut attendre au maximum une dimension de prosélytisme, mais elles ne conduisent jamais ni à l’insertion ecclésiale, ni à l’appartenance ecclésiale.

La proximité crée communion et appartenance, rend possible la rencontre. La proximité acquiert des formes de dialogue et crée une culture de la rencontre.

L’homélie est une pierre de touche pour calibrer la proximité et la capacité de rencontre d’une pastorale.
Comment sont nos homélies ? Sont-elles proches de l’exemple de notre Seigneur, qui « parlait avec autorité » ou sont-elles simplement théoriques, éloignées, abstraites ?

4. Celui qui conduit la pastorale, la Mission continentale (aussi bien programmatique que paradigmatique), est l’Évêque.

L’Évêque doit conduire, ce qui n’est pas la même chose que se comporter en maître.

Outre à souligner les grandes figures de l’épiscopat latino-américain que nous connaissons tous, je désire ajouter ici certaines lignes sur le profil de l’évêque que j’ai déjà dites aux Nonces dans la réunion que nous avons eu à Rome.

Les évêques doivent être pasteurs, proches des gens, pères et frères, avec beaucoup de mansuétude ; patients et miséricordieux. Hommes qui aiment la pauvreté, aussi bien la pauvreté intérieure comme liberté devant le Seigneur, que la pauvreté extérieure comme simplicité et austérité de vie.

Hommes qui n’aient pas la « psychologie des princes ».

Hommes qui ne soient pas ambitieux mais qui soient époux d’une Église locale sans être dans l’attente d’une autre.

Hommes capables de veiller sur le troupeau qui leur a été confié et d’avoir soin de tout ce qui le tient uni : veiller sur leur peuple avec attention, sur les éventuels dangers qui le menacent, mais surtout pour faire grandir l’espérance : qu’ils aient du soleil et de la lumière dans leurs cœurs.

Hommes capables de soutenir avec amour et patience les pas de Dieu au milieu de son peuple.

Et la place de l’Évêque pour être avec son peuple est triple : ou devant pour indiquer le chemin, ou au milieu pour le maintenir uni et neutraliser les dispersions, ou en arrière pour éviter que personne ne reste derrière, mais aussi, et fondamentalement, parce que le troupeau même ait son propre flair pour trouver de nouvelles routes.

Je ne voudrais pas abonder en d’autres détails sur la personne de l’Évêque, mais simplement ajouter, en m’incluant dans cette affirmation, que nous sommes un peu en retard en ce qui concerne la Conversion pastorale. Il est opportun que nous nous aidions un peu plus à faire les pas que le Seigneur veut pour nous dans cet « aujourd’hui » de l’Amérique Latine et des Caraïbes. Et il serait bien de commencer par là.

Je vous remercie d’avoir été patients dans l’écoute.

Pardonnez le désordre de mon discours et, s’il vous plaît, je vous demande :

que nous prenions avec sérieux notre vocation de serviteurs du saint Peuple fidèle de Dieu, car c’est en ceci que s’exerce et se montre l’autorité : dans la capacité de service.

Merci beaucoup !

1h30 d'interview!

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